Desautels recourt à une approche intuitive expérimentale, navigant entre deux univers, la figuration et l’abstraction, de la réalité à l’imaginaire. Il exploite la surface picturale dans une répartition adéquate et une organisation variée d’éléments du langage plastique ; jeux de lignes, de couleurs, de contrastes de deux éléments opposés, juxtaposés qui se mettent réciproquement en valeur, de profondeur, de formes, de masses, de mouvements rotatifs qui rappellent une certaine agitation à la recherche de « l’équilibre » de masses, de volumes presque identiques (distribution égale des forces) ou semblables dont leur disposition souvent mise en parallèle tente vers le chaos (dualité) ou vers un résultat plus stable (équilibre). Une évocation subtile d’interdépendance, de corrélation et de causalité, voire la quête de la nature humaine et de ce qui l’entoure.
Entre autres, l’artiste met en scène dans sa peinture un système d’ambivalence et de dédoublement (Le couple, sujet récurent de son œuvre) qui devient surface de projection de ses représentations. Un système binaire d’opposition de formes cherchant à représenter quelque chose. Pas de début ni de fin, seulement un défi infini de l’artiste. La configuration des formes abstraites aux contours fermés, mise en avant-plan, et en opposition sur la surface plane du tableau, amène à distinguer la coexistence d’éléments différents, mettant en scène le plus souvent deux plans distinctifs (formes hybrides, comme allusion au couple symbolisé) accentuant par moment ou minimisant les différences.
Son oeuvre apparaît dans une uniformité cosmique et symbolique, hors du temps et de l’espace, au-delà de toute réalité qui se voudrait précise, historique ou encore sociale. Seuls les éléments plastiques, la forme de manière abstraite et symbolique, le mouvement deviennent représentation de la dualité et du récit narratif. De ces œuvres émanent des énergies, suggérées par un ensemble de symboles livrant une dualité intérieure et extérieure, prétexte à se connaître soi-même, à la recherche d’un équilibre certes, mais d’une réflexion certaine.
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« Il y a plus de quarante ans, lorsque j’ai commencé à peindre, je n’avais vraiment aucune idée ce qu’était la peinture. À 20 ans, j’ai la tête pleine d’idées et c’est par tous les moyens que je veux les exprimer. Je choisis donc le médium de la peinture pour promouvoir ces idées… J’ai mis plusieurs années à réaliser que je faisais fausse route et que j’allais faire l’erreur de reléguer la peinture au simple niveau de vecteur servant de courroie de transmission à mes idées. Erreur on ne peut plus funeste! La peinture n’a besoin d’aucune idée pour soutenir son principe. Elle s’autosuffit et forme un tout bien vivant doté d’équations, de solutions, d’équilibre et d’harmonie.
Alors qu’en est-il du peintre? De son rôle? Le peintre est celui qui va jouer de connivence avec ces univers si troublants et merveilleux de la forme, de la couleur, de l’espace, de la profondeur, du trou noir de même que de la vaste nébuleuse, monde infini qu’est la peinture.
Au peintre à tirer son épingle du jeu. À lui de jouer avec la répartition des lignes, des formes, des masses, au risque de provoquer la disharmonie, tout en ayant pour objectif le respect et le maintien de l’équilibre, inhérents à la peinture. Chaque tableau devient alors une simple équation à résoudre dans l’ordre ou dans le désordre, peu importe. Ce qui m’amène à croire que la peinture est, si je peux m’exprimer ainsi, de nature mathématique. »
Bob Desautels